Un monde sans rivage d’Hélène Gaudy

11 juillet 1897, départ des explorateurs Andrée, Fraenkel et Nils Strindberg. Leur but : atteindre le pôle Nord en ballon. Découvrir et donner leur nom à un nouveau territoire où planter leur drapeau. On sait dès le début du livre que le projet échouera et que les restes de leur corps seront retrouvés, analysés, disséqués, en 1930 (à l’occasion d’une fonte de neige spectaculaire, déjà !).
Les déconvenues se présentent très rapidement : le ballon descend dangereusement, obligeant les aérostiers à jeter beaucoup de choses, même des vivres, puis le ballon remonte tout aussi dangereusement et ils sont devenus trop légers pour maîtriser les mouvements de leur engin. C’est tellement bien raconté, qu’on se prend au jeu comme si on ne connaissait pas la fin de l’histoire. Le 14 juillet, ils se posent et ne repartiront pas ! On comprend que l’expédition n’était peut-être pas suffisamment préparée (pas de vêtements appropriés et un invraisemblable matériel qu’ils vont traîner coûte que coûte).
Va commencer une errance dans des conditions de survie épuisantes, tout en persévérant dans leurs activités scientifiques (recueil des végétaux et minéraux, observation des oiseaux). Ils restent portés par leur curiosité, leur mission de rapporter des informations, des clichés.
L’auteur ne se contente pas de reconstituer ce qu’a pu être leur voyage avec les quelques éléments matériels récupérés, le journal d’Andrée, les lettres et les photos de Nils. Elle fait une rétrospective des avancées techniques et de l’aéronautique en amont, des tentatives plus ou moins loufoques (saut de la Tour Eiffel par exemple) et les grands noms que l’histoire a retenus, les frères Montgolfier, Jacques Charles et son 1er ballon à gaz, Pilatre de Rosier. Elle reconstitue brièvement les maillons de la chaîne de « ceux qui cherchent à quitter la terre ».
Elle évoque aussi la vie antérieure des trois compagnons d’infortune et retrace le portrait de ces hommes qui vont devoir vivre ensemble dans des conditions extrêmes. Des hommes courageux, dévoués, vaillants, « légers comme des amateurs, solides comme des héros ». Comment est née cette flamme qui les pousse à tenter l’impossible ?
Elle revient également sur la vie du remplaçant, le « joker » qui ne sera pas du voyage, et qui montera une expédition en 1915. Son bateau sera inexorablement broyé par la glace. Scène très pathétique, mais tout l’équipage sera sauvé pour trouver au retour, la guerre et ses tranchées.
Après les quelques jours d’été, on entre dans la longue nuit d’hiver. Ils tentent d’installer leur « home » sur une île, un caillou miraculeusement rencontré où ils espèrent échapper à la mouvance de la banquise, à l’eau glacée qui les menace en permanence.
Passionnant !
Chantal B.
Un monde sans rivage, Hélène Gaudy, Actes Sud, 2019. 313 p.
Crédit photo : Electre.