Diane Monier-Moore nous fait le plaisir de partager son confinement à Jersey et … les recettes de ses desserts favoris.
Alors que la France se déconfine après deux longs mois de privations diverses, Jersey, qui n’a pas connu un printemps aussi sévèrement géré qu’en France, demeure toujours confiné sans savoir quand et comment le déconfinement aura lieu.
Je suis rentrée d’un séjour raccourci à Dinan par le pénultième ferry qui repartait sur Jersey de Saint-Malo. Sinon, je serais bloquée en France, alors que ma fille Marianne était déjà rentrée d’Oxford, où les étudiants ont dû plier bagage aussi vite que possible et quitter les lieux. Depuis le début du confinement jersiais, donc à la fin du mois de mars, nous ne connaissons pas les strictes mesures que vous avez eues en France : on n’a jamais eu besoin d’une attestation pour sortir. Nous avons toujours eu le droit de nous promener sur les plages et de profiter de la belle nature de l’île ; au départ, on nous a donné deux heures de liberté par jour, devenues quatre et maintenant six heures. Les balades quotidiennes sur les plages nous ont fait apprécier davantage la beauté de Jersey et les choses plus simples dans la vie. Entourées de baies et de marées: un spectacle différent chaque jour; nous avons admiré les couchers de soleil, les dunes quasi-désertes, les marées hautes, les marées basses, les tempêtes et les moments calmes. La nature croissant autour de nous. Chaque balade sur les plages me faisait penser à mes amis français résidant dans les grandes villes loin de la côte ; et à ceux qui habitent près des plages, ne pouvant pas y accéder.
Dans l’ensemble, le confinement à Jersey n’est pas dur. Tout le monde peut gagner la plage, une vallée, une promenade le long de l’ancien chemin de fer ou même les petits sentiers autour de sa maison. Il n’y a pas de distance ici. Le plus dur ? Souvent, les queues devant les portes des supermarchés sont longues et si le bateau n’a pas pu livrer les denrées, l’attente est parfois décevante. Au départ il y a eu des pénuries : de papier hygiénique, de farine, de pâtes. Maintenant, on en trouve facilement. En revanche, l’île, si fière de son agriculture, dépend paradoxalement du Royaume Uni pour la livraison de la plus grande partie des fruits et légumes. Sauf bien sûr les Jersey Royals, les délicieuses nouvelles pommes de terre que l’on achète chez les « Honesty Boxes » le long des chemins. On met quelques pièces dans un tronc et on prend un petit sac de pommes de terre.
La chose la plus frappante est le silence. Moins de voitures sur les routes. Aucun bateau, aucun ferry. Seulement la livraison de la nourriture. Et pratiquement aucun avion. Le ronronnement habituel des avions est absent. Trois fois par semaine il y a un vol sur Southampton, nommé le « lifeline », la bouée de sauvetage. Mais il faut une raison bien impérative pour avoir le droit de s’acheter d’un siège à bord. On entendait parfois aussi un avion à réaction ; c’était l’arrivée ou le départ des ouvriers qui sont venus bâtir un nouvel hôpital sur l’île. Jersey, qui n’avait qu’un seul hôpital, vient d’en acquérir un deuxième, érigé dans l’espace d’une quinzaine de jours au prix de £14 millions de livres. Cet immense Nightingale Hospital, équipé de 180 lits, qui longe la baie de Saint-Aubin, a été créé pour les malades du coronavirus. Est-il nécessaire ? Le sera-t-il ? Nous ne savons pas. Jusqu’à présent (25 mai), on compte 29 morts, 306 cas confirmés de COVID19, dont 272 se sont remis. Le nouvel hôpital demeure vide.
Le 9 mai, Liberation Day, le jour que nous fêtons chaque année pour marquer la fin de l’occupation allemande à Jersey, a été une bien triste affaire cette année qui marque le 75e anniversaire. Aucune libération cette année. Les festivités et événements culturels prévus ont été annulés. A la place, les îliens ont décoré leurs maisons de drapeaux britanniques et de drapeaux jersiais. Nous avons fait pareil. Des guirlandes et une atmosphère de fausse fête. Ma fille et moi sommes descendues à pied à la plage la plus proche de chez nous, la Grève de Lecq, en fredonnant la chanson si symbolique de Vera Lynn et chanté par civils et soldats tant de fois pendant la guerre 39-45 :
We’ll meet again, don’t know where, don’t know when
But I know we’ll meet again some sunny day
Keep smiling through, just like you always do
Till the blue skies drive the dark clouds far away
Quand pourrons-nous revoir la France, l’Angleterre, Guernesey ? Quand aurons-nous le droit de visiter des amis dans leurs maisons ? Quand pourrons-nous serrer nos bien-aimés ? Voilà encore le flou, car les nouvelles changent du jour au lendemain.
Depuis le début du confinement, la cuisine, comme ailleurs dans le monde, est devenue le noyau de la maison, et nous nous livrons à faire des petits plats variés chaque jour. Des galettes de sarrasin faites de blé noir rapporté de Dinan ; du far breton ; du curry ; des nouilles asiatiques ; des sautés de légumes ; des quiches de toutes natures… et bien sûr des plats britanniques tels que le Coronation Chicken ou tout simplement des bangers and mash ; nos deux desserts british préférés sont l’humble apple crumble servi avec du véritable English custard et le célèbre Eton Mess. Voici les recettes que nous préférons :
Apple Crumble and Custard

575gr de pommes, pelées et coupées en morceaux
Du sucre roux en poudre
De la cannelle
Pour le crumble
175 g de farine de blé
110 g de sucre roux en poudre
110 g de beurre
Beurrer un moule et disposer uniformément les morceaux de pomme.
Mélanger le sucre en poudre et la cannelle et saupoudrer sur les pommes.
Mélanger dans un bol la farine et beurre mou puis malaxer à la main jusqu’à obtenir des miettes
Ajouter la cassonade et saupoudrer le tout sur les fruits.
Cuire le crumble à 180°C pendant 40 min.
Pour le custard
200 ml de crème épaisse
700 ml de lait entier
4 grands jaunes d’oeuf
3 cuillerées à soupe de fécule
100 g de sucre en poudre
5 ml d’essence de vanille
N’oublions pas que ceci n’est pas tout-à-fait une crème anglaise, car un custard doit être beaucoup plus épais ! Verser la crème et le lait dans une casserole et chauffer. Dans un grand saladier mélanger et fouetter au batteur électrique les jaunes d’œuf, la fécule, le sucre et l’essence de vanille. Verser le mélange chaud dans le saladier en bien fouettant le tout.
Renverser le mélange dans la casserole, chauffer doucement en mélangeant avec une cuillère en bois jusqu’à ce que le custard soit bien épais.
Eton Mess
Selon la petite histoire, la mère d’un étudiant du célèbre collège d’Eton a apporté une pavlova à son fils lors d’une visite. Ce dessert s’est cassé durant le voyage, d’où son nom : Eton Mess, mess voulant dire bazar.
Ingrédients
600 g de fraises mûres
150 g de petite meringues
20 cl de crème fleurette bien froide
200g de mascarpone
2 c. à soupe de sucre en poudre
2 c. à soupe de sucre glace
1 c. à soupe de vinaigre balsamique
Nettoyer les fraises, les couper en morceaux. Mélanger les morceaux de fruits avec le sucre en poudre et le vinaigre balsamique dans un saladier. Réserver le tout.
Avec un batteur électrique, monter la crème fleurette bien froide en chantilly ferme. Ajouter progressivement le sucre glace à la crème chantilly, tout en continuant de battre. Incorporer ensuite le mascarpone, puis les morceaux de fraises au vinaigre et la moitié des petites meringues à l’aide d’une maryse.
Répartir l’Eton Mess aux fraises dans des bols en verre. Les décorer avec des fraises et des morceaux de meringue ou même un coulis de fraises. Servir bien frais.
Diane Monier Moore