JEUX VIDÉO : le Xème art

Alors qu’au début des années 1990 de plus en plus de foyers s’équipent en matériels vidéoludiques, les jeux vidéo sont encore pointés du doigt. Mais quels sont ces étranges appareils qui fascinent nos chères têtes blondes et laissent sans voix les parents qui semblent se désoler de voir leurs enfants délaisser les aventures de Jules Verne pour celles de ce petit plombier qui saute partout en cassant des briques ? Les jeux vidéo seraient-ils les ennemis du livre, qu’il conviendrait de surveiller attentivement ? Près de trente ans après que la question fut posée, il semble qu’un début de réponse ait fini par émerger.

Mais après tout, comment reprocher aux parents ce mouvement de prudence vis-à-vis de ces grosses machines qui débarquent dans nos salons pour chambouler une existence jusqu’alors si paisible. Il est vrai qu’au début des années 1990, et même si quelques consoles avaient auparavant connu une certaine forme de succès, comme l’Atari 2600 qui sortit en France en 1981, les consoles de jeux restaient alors marginales chez les particuliers et il fallut attendre 1987 pour voir arriver la première console dite “populaire”, avec la Nintendo “Nes”. Grâce à elle, c’est la démocratisation de nombreux types de jeux qui déferlent littéralement sur l’Europe et cela ne cessera de s’accroître avec le temps. Les enfants passeront de plus en plus de temps devant un écran et cela inquiète forcément. A juste titre ?

A cette époque, le jeu vidéo n’en est certes pas à ses balbutiements, mais il est loin d’avoir acquis, faute de progrès technique, les capacités visuelles qu’on lui connaît aujourd’hui. C’est avec des jeux comme “Super Mario Bros”, “Tetris”, ou encore “Duck Hunt”, que les enfants découvrent le jeu vidéo. Les titres proposés sont alors de simples jeux de réflexes ou de plateformes, mais peu d’entre eux disposent d’un scénario solide pouvant rivaliser avec le contenu d’un roman. Cependant certains semblent se démarquer avec notamment la licence “The legend of Zelda”, qui, depuis 1987 et jusqu’à aujourd’hui est considérée comme l’une des plus grandes sagas de l’histoire vidéoludique, tant par son univers, que par la qualité de son histoire ainsi que de sa musique.

Les développeurs, avec le succès de sagas épiques (“The legend of Zelda”, “Might and Magic”), comprennent qu’il est désormais possible de toucher un public plus large avec des moyens techniques plus importants ainsi que des histoires et des univers originaux. C’est ainsi que la licence “Final Fantasy” (développée dès 1987) prend une ampleur colossale au milieu des années 1990, qui bouleverse l’univers des jeux vidéo grâce à un contenu  abouti et  novateur, tant par la richesse de son univers et de son histoire que par la qualité de sa musique . Il sera parmi les premiers titres de jeux vidéo à être adapté au cinéma avec “Final Fantasy : les créatures de l’esprit” (2001), qui, malgré un résultat décevant au box-office, reste encore, pour l’époque, une véritable prouesse technologique, lié à un réel désir de proposer aux néophytes un réel divertissement innovant et poétique. Cette oeuvre marquera une réelle cassure avec les précédents films proposés au début des années 1990, tel que “Super Mario Bros” (1993) ou “Double Dragon” (1994), qui n’étaient que de simples adaptations sans franches ambitions cinématographiques et destinées uniquement aux fans de jeux vidéo.

Poudlard, l’école d’Harry Potter, image tiré du jeu “Harry Potter” sur Game Cube.

C’est au début des années 2000 que le regard sur le jeu vidéo va littéralement changer. Il n’est désormais plus considéré comme un objet d’abrutissement des masses mais comme un réel outil de divertissement au même titre qu’un jeu de société tout à fait classique. Mais ce qui va réellement faire la différence, c’est l’évolution technologique des consoles. Désormais, les programmeurs peuvent se permettre des libertés visuelles qui étaient alors inaccessibles et ainsi étoffer leurs scénarios. C’est comme cela que le jeu vidéo va se mettre à emprunter de plus en plus de codes au cinéma, mais également à la littérature… et inversement. De nombreux succès littéraires voient leurs noms adaptés en Jeux vidéo : “Le Seigneur des Anneaux”, Harry Potter”, “Sherlock Holmes”, “Les enquêtes d’Agatha Christie”, etc.).

A mesure que le temps passe, le jeu vidéo se mélange volontiers  avec les autres formes d’art, à tel point qu’il en vient aujourd’hui à être considéré comme le Xème art. De nombreux jeux vidéo sont aujourd’hui adaptés en romans. C’est le cas de la célèbre licence “Assassin’s Creed”, qui a récemment vu son nom associé à toute une série de nouvelles, de bandes dessinées, ainsi qu’à un film. Certains jeux se voient même aujourd’hui comparés à des films et reçoivent d’excellentes critiques de la part de spécialistes du cinéma. Des jeux tels que “Heavy Rain”, “The Last of Us”, ou encore “Detroit, be human”, sont cités comme références en la matière.

“Assassin’s Creed : La croisade d’Altaïr”, par Oliver Bowden, 2011.

D’avantage de livres sont aujourd’hui liés aux jeux vidéo directement, notamment les Artbooks, ces livres qui illustrent l’envers du décors et les coulisses de création d’un jeu avec : planches originales, maquettes de décors, et tout ce qui constitue le processus de création. C’est notamment grâce à ces ouvrages que l’on peut observer les similitudes avec le cinéma, puisque les artbooks existaient déjà pour de nombreux films (notamment les oeuvres d’animations ou de science fiction). Les jeux étant de plus en plus poussés, les graphistes affichent librement leurs influences et il n’est pas rare de voir dans des jeux tel que “Dark Souls”, des décors inspirés des gravures de Gustave Doré.

Illustration de l’Artbook “Star wars : The Clone Wars”.

Aujourd’hui, le jeu vidéo possède une place qui lui est propre dans la culture, au même titre que la littérature, le cinéma ou la peinture. S’inspirant de codes de tous les modèles culturels existant, allant de l’architecture à la musique, il n’existe plus un aspect de l’art que le jeu vidéo ignore. Avec le temps, il est devenu une forme d’art indépendante reconnue et saluée, qui possède légitimement sa place entre les films de Truffaut et les livres de Tolkien.

Nicolas Rodrigues .

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