Chroniques littéraires Goncourt des lycéens #1

Des lycéens dinannais ont participé à l’élection du Prix Goncourt des lycéens 2020.

Chaque jeudi, pendant trois semaines, nous vous proposons de découvrir les critiques des élèves de Terminale du lycée La Fontaine des eaux à Dinan qui ont lu les ouvrages de la sélection Goncourt. Avec Mme Clémence Scharr, leur professeure, ils ont été sélectionnés pour participer à l’élection du Prix Goncourt des lycéens 2020 :

« Ceci n’est pas une classe mais un groupe rassemblé autour d’une curiosité commune pour la littérature. Nous sommes trente élèves de sept classes de Terminale ayant choisi des parcours différents (Histoire-géo, littérature anglaise, SES ou SVT). Six heures par semaine, nous nous retrouvons pourtant en cours d’Hlphi (Humanité, littérature et Philosophie) où nous pouvons échanger, débattre et partager nos savoirs et nos intérêts. Faire partie du jury du prix Goncourt des lycéens constitue pour nous une belle opportunité de poursuivre nos discussions et de les étendre à de nouveaux sujets. Nous pouvons ainsi découvrir de nouveaux livres et auteurs et aborder la littérature en dehors du cadre scolaire. Enfin, nous sommes très fiers de pouvoir participer à la récompense d’une œuvre avec un prix aussi prestigieux que le Goncourt des lycéens. »

A noter que ces jeunes dinannais ont lu la même liste (excepté le roman de Carole Martinez, auteure ayant déjà reçu le Prix Goncourt des lycéens) que les membres du Club-lecture de la Bibliothèque municipale de Dinan. Ces derniers ont voté pour leur préféré (Prix du Club-lecture de la Bibliothèque municipale de Dinan 2020) le 17 novembre et couronné Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Toledo.

Vous retrouverez le partage de toutes les critiques sur les ouvrages en lice dans le prochain numéro de Lire sur les remparts !, bulletin du Club-lecture.

Aujourd’hui les avis sur Les impatientes de Djaïli Amadou Amal, Prix Goncourt des lycéens 2020 (attribué le 2 décembre) et sur Héritage de Miguel Bonnefoy.

Les impatientes, Djaïli Amadou Amal, Ed. Emmanuelle Collas, 2020. 240 p.

            Les impatientes de Djaïli Amadou Amal (2019) est un témoignage ainsi qu’une mise en garde à l’adresse du lecteur afin de l’informer sur le problème des mariages forcés au Cameroun. Selon moi, ce livre suit fidèlement ce qui se passe dans le monde, bien qu’à certains moments j’ai eu l’impression d’être transportée dans une autre époque tant certaines choses décrites me semblaient appartenir à un temps révolu. La notion récurrente et insupportable de la patience rythme la vie des trois personnages principaux, Ramla, Safira et Hindou dont les vies sont étroitement liées. L’auteure nous interpelle également sur des sujets primordiaux comme les viols à répétitions que subit Hindou par son mari qui s’avère être également son cousin, que sa famille qualifie de « preuves d’amour », le mariage forcé de Ramla, avec un quinquagénaire déjà marié au profit de ses études et de l’homme qu’elle aimait, ainsi que Safira qui se voit contrainte de partager son mari et son domicile contre son gré quand celui-ci décide de prendre une nouvelle épouse.

On fait face à une misogynie extrême, une culture du viol omniprésente, et à une absence de sororité causé par leur éducation reçue, quasi insupportable pour ceux qui n’ont pas grandi dans cette culture. Cette absence d’entraide entre les trois femmes dont la vie est pourtant très semblable nous fait nous rendre compte de la vie solitaire de ces femmes, qui se voient être contrôlées de la naissance jusqu’à la mort ou la répudiation. Dans ce livre, la femme est traitée au même niveau voire souvent moins bien qu’un bien matériel, elle est méprisée et abusée, que ce soit physiquement ou psychologiquement. Ces femmes, en plus d’être victimes de violences physiques et sexuelles, sont, depuis l’enfance, victimes d’un endoctrinement sexiste qui les encourage fortement à réprimer leurs désirs, leurs ambitions et leur liberté au profit de tous les hommes de leur famille et de leur futur mari.

J’ai beaucoup aimé ce livre pour les sujets importants qu’il traite ainsi que le format en trois parties dans lequel il est écrit.

Garance Bonnec.


Le livre de Djaïli Amadou Amal est extraordinaire, époustouflant, très émouvant. Ce sujet m’intéresse énormément et je trouve que ce genre de livre est parfait pour s’informer, tout en étant une très belle histoire. Ce sujet est malheureusement horrible et très triste, d’autant plus que ce roman est inspiré de faits réels, mais il est très instructif, et il me paraît important d’en parler davantage. Le fait d’avoir le point de vue de plusieurs femmes, avec différentes histoires, et différentes vies, permet de se rendre compte de toutes les facettes de la culture peule.

            Mon personnage, et mon histoire préférée concernent Hindou ; elle m’a particulièrement touchée, parce qu’on la prive de son premier amour, son réel amour, pour la marier avec son cousin, un homme qui va la battre, l’insulter et l’humilier. Les violences faites aux femmes sont un grand sujet d’actualité, et je trouve que l’on ne parle pas assez des autres pays. C’est pourquoi cette histoire est très intéressante. Il est essentiel de voir que, dans une cette culture, la violence est autorisée, la femme n’a pas le droit de se plaindre, et elle doit juste obéir à son mari et à son père.

            Munyal est bien évidemment le mot le plus important de ce livre, et je le trouve très fort. Il dicte à toutes les femmes de cette culture de faire l’impossible, d’attendre la mort, d’attendre que le temps passe, de patienter et d’attendre son tour, comme dans le cas de Safira et Ramla, et de beaucoup d’autres femmes dans les maisons polygames. Je salue et remercie Djaïli Amadou Amal, parce que ce livre est un chef d’oeuvre selon moi. Je pense que TOUT le monde devrait lire ce roman, peu importe sa religion, son âge, son sexe ou sa façon de penser.

                                                                                  Jeanne Chauvel.


La critique que vous découvrez avec impatience

            Le roman Les Impatientes de Djaïli Amadou Amal est celui qui m’a le plus marqué parmi les lectures de la sélection Goncourt. Ce roman retrace l’histoire de trois femmes partageant le même destin. Il y a Ramla qui a été arrachée à son fiancé pour épouser l’époux de Safira, puis il y a Hindou, la soeur de Ramla qui est contrainte d’épouser son cousin.

            Ce roman polyphonique montre les conditions de vie des femmes au Sahel : c’est une réalité très dure. Il est vraiment captivant malgré la gravité du sujet abordé. Il se lit très facilement, l’écriture est limpide ce qui rend le livre prenant et vivant. Qu’il s’agisse des descriptions de lieu ou de situation, elles sont vraiment bien tournées. Le récit ne connaît pas de temps mort et il entraîne le lecteur au coeur de l’histoire durant toute la lecture. La présence de dialogue est bien maîtrisée ce qui participe à la fluidité au roman. L’intrigue est très intéressante car elle change de ce que l’on a l’habitude de lire.

            Cette histoire très éprouvante nous ouvre les yeux sur la gravité de la situation des femmes dans certains pays. De nombreux passages montrent l’atrocité du comportement masculin envers la gente féminine. Les hommes se croient supérieurs aux femmes, se permettent de les battre pour des raisons futiles et ne les respectent pas autant qu’elles sont supposées le faire en retour. Ils les méprisent, les exploitent, les maltraitent et les empêchent de vivre la vie qu’elles souhaiteraient mener.

            Ce roman propose une histoire peu commune. Il a pour moi été une découverte et une alternative enrichissante par rapport aux lectures des programmes scolaires du lycée. Il suscite des émotions : j’ai été outrée que des atrocités comme celle-ci puissent être commises envers les femmes !

                                                                                              Léna Pasdeloup.


Héritage, Miguel Bonnefoy, Rivages, 2020. 206 p.

            Que dire d’Héritage ? c’est un livre attachant, prenant, intriguant, palpitant… Tout comme ses personnages. Qui résiste au courage du premier Lonsonier, au charme de Delphine, à la folie de Thérèse, à la force de Margot et à l’esprit de rébellion d’Ilario Da et surtout à ce mystère sur l’identité de Michel René ? En tous cas pas moi !

            Héritage prend place au Chili sous Pinochet, on y suit quatre générations de la famille Lonsonier. Le premier Lonsonier arrive au Chili après que toute son exploitation viticole a été ravagée par le Phylloxera. Il emmène avec lui un pied de vigne qu’il plante dans sa maison, il épouse Delphine Morizet avec qui il a trois fils. Ils partiront tous les trois faire la première guerre mondiale, seul Lazare en reviendra. Lazare épouse Thérèse avec qui il aura une petite fille nommée Margot qui elle aura un enfant avec le fantôme d’un soldat allemand connu par son père pendant la première guerre mondiale. Cet enfant s’appellera Ilario Da et finira par revenir en France.

            Ce livre permet de se demander quelle part de nous-même est un héritage de nos ancêtres, il questionne aussi les origines d’une famille. Finit-on toujours par revenir à notre point de départ ?

            J’ai énormément apprécié le fait de retrouver des objets ou des personnes pour toutes les générations, comme cette baignoire qui verra passer les malheurs et la folie de chacun, ou cette vigne qui restera plantée devant la maison, grandissant en même temps que cette famille.

            La façon dont ce livre est écrit nous permet de suivre l’histoire de cette famille comme si elle nous était contée, on découvre les personnages chapitre après chapitre, on explore leurs doutes, leurs envies, leurs douleurs. Le lecteur découvre non seulement une famille, mais aussi une partie de l’Histoire : la fuite des européens vers l’Amérique, la première puis la seconde guerre mondiale, la guerre civile chilienne.

            Le personnage qui m’a le plus touchée -encore faut-il pouvoir choisir- est sûrement celui de Margot, J’ai adoré son envie de voler et sa détermination à y parvenir. Dès le début, elle sait ce qu’elle souhaite faire et elle persévère. Lorsque le premier avion qu’elle a construit toute seule ne démarre pas, elle n’hésite pas un seul instant à continuer. Elle est pleine de courage pour progresser dans un monde d’hommes et pour, plus tard, sauver son fils. Mais ce qui a suscité en moi le plus d’interrogations, c’est la raison pour laquelle elle décide de partir combattre en France ainsi que la présence de son amant fantôme.

            Ce roman est d’abord très agréable à lire mais il permet aussi de nous interroger sur nous-mêmes et notre lien avec nos parents ainsi que sur la place que nous accordons à un territoire et à nos origines dans nos vies, pour nous construire.

                                                           Yaëlle Bernard.


            À la fin du XIXe siècle, le père de Lazare Lonsonier est arrivé au Chili ruiné après avoir choisi de quitter sa vie de pauvre vigneron du Jura. Depuis, la maison de la rue Santo Domingo à Santiago du Chili a accueilli plusieurs générations de la famille. À travers le temps et les protagonistes, on suit l’histoire de cette famille si particulière, composée de héros de guerre et de fabricant d’hosties en passant par une aviatrice hors pair. La famille Lonsonier a connu beaucoup d’aventures.

            Ce roman de 207 pages seulement arrive à nous faire vivre cent ans d’une même famille. A travers plusieurs protagonistes, le livre nous fait voir une Amérique latine pleine d’aventures et de mystères. L’auteur franco-vénézuélien nous transmet, à travers ce livre, son amour pour ce pays magnifique qu’est le Chili. Il parvient à retranscrire avec beaucoup d’authenticité tous les détails, même les plus insignifiants, qui font de ce lieu un pays presque onirique. Miguel Bonnefoy maîtrise très bien les genres réaliste et fantastique et il navigue entre les deux pendant une bonne partie du roman. Des touches mystiques l’imprègnent également. L’auteur sait maintenir une zone floue pour laisser le lecteur dans le doute. Il est aussi très à l’aise avec la langue. Certains passages se rapprochent plus de la poésie que du roman de fiction classique.

            Ce livre me paraît être une bonne fiction, peut-être un peu courte, ce qui laisse parfois le lecteur sur sa faim. Nous aimerions parfois en savoir plus sur les personnages. Il est très accessible et facile à lire sans non plus être insipide. L’histoire s’avère bien riche et bien construite.

                                                                                  Eliot Denhard.


 Miguel Bonnefoy nous fait partager son héritage…

           J’ai choisi de parler du livre Héritage de Miguel Bonnefoy car c’est un livre que j’ai eu plaisir à lire. Il raconte sur plusieurs décennies l’histoire de la Famille Lonsonier qui commence par l’arrivée au Chili du premier Lonsonier dont on ignore le nom. Elle se poursuit en parlant de la vie de son fils, de sa petite-fille et de son arrière-petit-fils. C’est l’un des points qui font que j’ai aimé ce livre : on suit plusieurs personnages, chacun avec des traits de caractère différents. Chacun vit une expérience qui le marque jusqu’à la fin de sa vie. J’ai aussi trouvé que grâce à ces 200 pages le rythme était très dynamique. L’écriture me paraît également très maitrisée.

            Même si les personnages principaux sont assez nombreux, il est très facile de les apprécier et de ressentir de l’empathie pour eux car on vit avec eux chaque moment de joie et de tristesse. Par conséquent, dès qu’il leur arrive quelque chose de triste on ressent avec eux cette tristesse qui est présente forcément une fois dans la vie de chaque personnage. J’ai aussi beaucoup apprécié le rapport que chaque personnage entretient avec le destin qui va lui-même lier tous les personnages entre eux au fil de leurs histoires. En parlant d’Histoire, il est fait beaucoup allusion au contexte historique : deux des personnages principaux ainsi que leur descendance vont voir leur destin changer suite aux deux guerres mondiales.

            Le roman revêt ainsi un caractère engagé puisqu’il aborde les ravages causés par les grands conflits du XXème siècle ainsi que la lutte menée par les femmes pour obtenir la même reconnaissance que les hommes.

            Ce livre est une très belle aventure humaine. Il nous fait ressentir de nombreuses émotions. Je conseille à tous de se lancer dans cette lecture !

                                                                                  Fabian Robert.

Retrouvez la suite des chroniques littéraires jeudi 10 décembre.

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