Chroniques littéraires Goncourt des lycéens #3

Des lycéens dinannais ont participé à l’élection du Prix Goncourt des lycéens 2020.

Troisième et dernière série de critiques des élèves de Terminale du lycée La Fontaine des eaux à Dinan qui ont lu les ouvrages de la sélection Goncourt. Avec Mme Clémence Scharr, leur professeure, ils ont été sélectionnés pour participer à l’élection du Prix Goncourt des lycéens 2020.

Aujourd’hui les avis sur Chavirer de Lola Lafon, L’anomalie de Hervé Le Tellier, Mes fous de Jean-Pierre Martin, La Société des Belles Personnes de Tobie Nathan et L’enfant céleste de Maud Simmonot.

Chavirer, Lola Lafon, Actes Sud, 2020. 344 p.

Le roman Chavirer de Lola Lafon est le premier livre du prix Goncourt que j’ai emprunté et entrepris de lire. Cependant, je n’ai pas réussi à terminer cette lecture car, dès le début, j’ai ressenti des difficultés mais je me suis efforcée d’essayer de m’y plonger : ce fut un échec ! Étonnant au demeurant car l’intrigue a l’air très intéressante et l’auteure traite un sujet très dur. Un sujet que je trouve précisément beaucoup trop ignoré. Le fait que l’intrigue de son roman ne soit pas utilisée dans chaque œuvre littéraire joue en faveur de Lola Lafon. Malgré cela, je n’ai pas accroché pour diverses raisons. La principale tient au fait que je considère le style d’écriture de cette auteure très particulier. Elle a choisi pour son roman une manière de raconter très spéciale et bien à elle qui pose des difficultés de compréhension. J’ai dû relire plusieurs fois certaines pages pour bien en saisir le sens et honnêtement je n’aime pas trop cela.

Devoir se creuser la tête pour comprendre le sens de ce qu’on lit n’est pas toujours très agréable, selon moi. Selon moi, une lecture doit être fluide et agréable pour le lecteur, ce que je n’ai pas retrouvé à travers le roman de Lola Lafon. Deuxième point qui m’a chagriné dans la lecture de son œuvre : le début du livre, l’entrée dans le cœur du sujet, m’a paru très longue… très lente. A tel point que j’ai presque eu le temps de m’ennuyer.

En revanche, point positif de ce roman, les personnages sont bien décrits et assez attachants, les descriptions de lieux, personnages, situations sont, je trouve, bien menées. En dépit des aspects négatifs énoncés précédemment sur ce roman, je ne bannis pas ce livre de ma bibliothèque et je pense que je ne suis peut-être pas assez mature ou familiarisée avec ce style d’écriture pour apprécier pleinement ce que je lis. L’œuvre de Lola Lafon n’est nullement mauvaise, seulement elle m’a déplu et je ne voterai pas pour elle au prix Goncourt, une prochaine fois peut-être… Je pense cependant, que je vais essayer de m’intéresser aux autres œuvres de cette auteure, afin de voir si son style d’écriture, que je qualifie de spécial, est récurrent et caractéristique de l’auteure, ou si, d’autres œuvres me plairaient davantage.

Shanel Felin.

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L’anomalie, Hervé Le Tellier, Gallimard, 2020. 327 p. (Prix Goncourt 2020).

Hervé Le Tellier a écrit un roman racontant l’histoire de centaines d’hommes et de femmes ayant pris l’avion en mars 2021. Sauf que cet avion, non seulement s’est posé à New York en mars, mais il atterrit à nouveau trois mois plus tard très exactement au même endroit avec, à son bord, très exactement le même équipage et les mêmes passagers. Comment réagir ? Que faire de ces doubles ? Et surtout, comment expliquer leur présence ?

L’histoire m’a tout de suite attirée. Dans un premier temps j’ai trouvé cependant que la présentation des personnages au début était peut-être superflue. Après avoir achevé ma lecture, je me suis dit qu’il n’y avait pas de meilleur moyen de commencer ce roman absolument génial ! La présentation des personnages nous offre des clés de compréhension et nous permet de mesurer leurs réactions lorsqu’ils sont confrontés à leurs doubles. Ainsi on ne s’étonne pas que le tueur à gages tue son double ni même que la mère célibataire refuse de partager son fils.

Ce roman nous porte inconsciemment à réfléchir à notre propre réaction dans le cas où nous rencontrerions notre double, quelqu’un qui a les mêmes réactions, les mêmes pensées, la même apparence que nous. Serions-nous heureux d’avoir enfin trouvé une personne qui nous comprenne entièrement ? Serions-nous désespérés d’avoir à partager nos proches ?

Mathilde Douard.

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Mes fous, Jean-Pierre Martin, L’Olivier, 2020. 153 p.

En chacun de nous se cache un fou !

Mes fous est un roman de fiction écrit par Jean-Pierre Martin. Il a été publié le 27 août 2020 et édité par l’Olivier. Le roman a obtenu plusieurs nominations pour différents prix littéraires. C’est la dernière œuvre de l’auteur qui a déjà écrit plusieurs essais et romans.

Comme on le devine dans le titre, le sujet principal concerne « la folie ». Le protagoniste Sandor perd ses parents, est quitté par sa femme et commence à sombrer petit à petit. Il est père de quatre enfants dont un fils Adrien, diagnostiqué autiste Asperger et sa fille Constance atteinte de schizophrénie. Sandor est une personne très empathique et fascinée par la folie, il se demande d’ailleurs s’il n’est pas fou lui-même.

Mon point de vue est encore assez mitigé sur ce roman. J’en ai apprécié la lecture car il a fait évoluer ma réflexion sur plusieurs sujets et m’a aussi confortée encore davantage dans certaines de mes idées ou visions du monde. Le fait que l’auteur ne soit atteint d’aucun trouble psychique mais qu’il ait pu écrire un livre sur la folie et les troubles mentaux me laisse néanmoins perplexe et me dérange un peu même si c’est réaliste et que les personnages sont très intéressants. L’extrême empathie de Sandor me touche et la bienveillance qu’il a envers ses enfants est plutôt admirable. C’est un personnage auquel on peut facilement s’identifier parce qu’on comprend en lisant tout ce qui se passe dans son esprit, tout ce que son entourage ne sait pas et d’une certaine manière on se sent très proche de lui. Suivre sa sensibilité et partager la sensation étrange qu’il a d’être magnétisé par des « corps errants » avec les personnages comme « le fou météo », Mme Brandoux, Laeticia… est une expérience captivante.

En revanche, le fait que Constance ne soit absolument pas représentée alors qu’elle est censée être la figure centrale est décevant. J’ai trouvé parfois l’écriture de Jean-Pierre Martin très vide. « Pendant le voyage, avec Ysé, nous avons parlé paisiblement, évoqué des souvenirs. À un moment, on s’est tenu la main. On a pleuré. » Voilà un exemple de phrase peu intéressante selon moi : on ne ressent qu’une émotion de surface, rien de vraiment profond. Le roman contient beaucoup de phrases comme celle-ci : « Il pleurait de rage. Je n’arrivais pas à comprendre ce qu’il disait, la raison de son gros chagrin. Je lui ai posé des questions pour élucider un peu l’énigme. » des phrases simples et inutiles !

Pour conclure, j’ai bien aimé le livre même si je pense que l’auteur est trop sain d’esprit pour écrire un livre sur la folie. L’écriture manque de détails mais le message qui la traverse reste positif et important car c’est aussi une lutte contre la normalisation.

Giovanna Mottes.

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La Société des Belles Personnes, Tobie Nathan, Stock, 2020. 419 p.

Dans La Société des Belles Personnes, Tobie Nathan nous livre un récit palpitant qui alterne entre passé et présent, excitant la soif du lecteur et son désir de démêler le mystère de la vie de Zohar Zohar à travers la quête de vérité de François, son fils qui ne l’a presque pas connu. Jamais la narration ne s’emporte dans une pluie de révélations trop théâtrales, les découvertes se font au fil du livre, sans pour autant négliger une certaine tension croissant au fur et à mesure que se précise la raison de la disparition de Zohar Zohar de la vie de François et de sa mère. Mais alors qui est cet homme ? Et pourquoi semble-t-il avoir une dette envers la « Société des Belles Personnes » ? Pour répondre à cette question, l’auteur nous plonge, en même temps que François lui-même, dans le passé : 1952, en Égypte.

L’écriture de Tobie Nathan s’adapte parfaitement à des descriptions pleines de chaleur, de musiques, de couleurs et d’odeurs qui nous transportent dans la « ruelle des Juifs » du Caire où grandit Zohar. Nous découvrons aussi avec plaisir l’ambiance mystérieuse et pénétrante que dégage la confrérie mystique qui le protège.

Grâce à cette écriture vibrante nous sommes emportés dans les péripéties de la vie de ce héros aux traits romanesques, et qui marque le lecteur par son audace et sa liberté d’esprit. Nous rencontrons ainsi des personnages sophistiqués aux allures presque cinématographiques, notamment les nombreuses femmes de la vie de Zohar Zohar : la mystérieuse Thalia, l’amoureuse Livia, la volage Paulette ou la fantasque Marie. Cette histoire se mêle à une histoire plus grande, celle avec un grand « H » : nous découvrons une Égypte où la haine monte : haine du peuple contre le ramolli roi Farouk, haine des Frères Musulmans contre les mécréants, haine de ces généraux nazis qui rejoignent les rangs de l’armée contre les juifs. Tobie Nathan nous rend spectateurs des pogroms, violences et souffrances qui règnent alors. A travers l’exil de Zohar Zohar, il nous présente aussi une France d’après-guerre dont on parle trop peu : une France amnésique, trop pressée de laisser derrière elle le passé pour s’attarder à réparer ses erreurs. La justice ne préoccupe alors plus que les blessés, les souffrants, ceux qui ont vécu les atrocités de la guerre et de l’antisémitisme. Là est probablement le thème central du livre : comment vivre avec le désir profond de se venger de toutes les violences que l’on nous a infligées ? La rudesse de ce sentiment, et le terrible tiraillement entre celui-ci et le besoin de se reconstruire, sont décrits avec une grande justesse par Tobie Nathan, ce qui fait de La Société des Belles Personnes un livre amer et émouvant.

lsia Lou Leduc.

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L’enfant céleste, Maud Simonnot, Éditions de l’Observatoire, 2020. 165 p.

Alors qu’elle subit une rupture amoureuse, Mary décide de partir avec son fils qui ne rentre pas dans le moule du système scolaire dans une île légendaire de la mer Baltique. Cette dernière aurait inspiré un astronome de la Renaissance, Tycho Brahe, pour redessiner entièrement la carte du ciel.

Ce roman figure parmi mes meilleures lectures du prix Goncourt pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les personnages sont très attachants. Célian me rappelle beaucoup d’enfants au même âge, toujours la tête dans les nuages et très peu intéressé par ses cours. De son côté, Mary est l’exemple même de la mère prête à tout sacrifier pour le bonheur de son fils. On adore les suivre dans leur voyage. Ensuite, la plume de l’auteur est très belle, assez poétique et se lit très facilement. C’est un vrai bonheur ! De plus, contrairement à plusieurs romans de la sélection, l’histoire n’est pas dénuée de légèreté et nous fait du bien. Ici on ne nous parle pas de la mort mais plutôt d’un voyage qui va changer la vie des personnages et leur permettre d’entrevoir la voie du bonheur. Le roman nous apprend que « l’aventure, plus qu’une interruption du cours des événements ou un voyage vers un ailleurs inconnu et exaltant, est surtout une disposition à être dans le temps ».

Mathilde Douard.

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L’enfant céleste de Maud Simonnot est une œuvre qui nous fait partager un amour puissant et la compréhension d’une mère envers son enfant. Son fils n’arrive pas à étudier et se sent différent des autres enfants. Lui, préfère être plus proche de la nature. Ce lien avec l’état sauvage parcourt toute l’œuvre, à travers les figures de l’enfant et de la mère mais également par le biais du personnage de l’astrologue Tycho Brahe.

C’est un livre magnifique ! Il diffuse une harmonie très perceptible notamment lorsque les deux personnages parviennent sur l’île, coupés de leur vie citadine, cassant leur routine, se libérant d’une vie monotone. Le roman possède également un aspect très sensuel lorsque la mère rencontre un nouveau compagnon. Il l’aide à se reconstruire et à sortir de la dépression qui la guette.

L’écriture est assez déstabilisante car il y a peu de liens entre les pages du roman. Ce sont juste des moments marquants de la vie des personnages. Au fil du roman, on se laisse néanmoins porter par le récit et par l’état de plénitude qui peu à peu s’empare des personnages.

L’enfant céleste de Maud Simmonot est une œuvre qui nous fait partager un amour puissant et la compréhension d’une mère envers son enfant. Son fils n’arrive pas à étudier et se sent différent des autres enfants. Lui, préfère être plus proche de la nature. Ce lien avec l’état sauvage parcourt toute l’œuvre, à travers les figures de l’enfant et de la mère mais également par le biais du personnage de l’astrologue Tycho Brahe.

C’est un livre magnifique ! Il diffuse une harmonie très perceptible notamment lorsque les deux personnages parviennent sur l’île, coupés de leur vie citadine, cassant leur routine, se libérant d’une vie monotone. Le roman possède également un aspect très sensuel lorsque la mère rencontre un nouveau compagnon. Il l’aide à se reconstruire et à sortir de la dépression qui la guette.

L’écriture est assez déstabilisante car il y a peu de liens entre les pages du roman. Ce sont juste des moments marquants de la vie des personnages. Au fil du roman, on se laisse néanmoins porter par le récit et par l’état de plénitude qui peu à peu s’empare des personnages.

Gwenndolyne Le Boulaire.

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Retour sur la genèse du projet :

« Ceci n’est pas une classe mais un groupe rassemblé autour d’une curiosité commune pour la littérature. Nous sommes trente élèves de sept classes de Terminale ayant choisi des parcours différents (Histoire-géo, littérature anglaise, SES ou SVT). Six heures par semaine, nous nous retrouvons pourtant en cours d’Hlphi (Humanité, littérature et Philosophie) où nous pouvons échanger, débattre et partager nos savoirs et nos intérêts. Faire partie du jury du prix Goncourt des lycéens constitue pour nous une belle opportunité de poursuivre nos discussions et de les étendre à de nouveaux sujets. Nous pouvons ainsi découvrir de nouveaux livres et auteurs et aborder la littérature en dehors du cadre scolaire. Enfin, nous sommes très fiers de pouvoir participer à la récompense d’une œuvre avec un prix aussi prestigieux que le Goncourt des lycéens. »

A noter que ces jeunes dinannais ont lu la même liste (excepté le roman de Carole Martinez, auteure ayant déjà reçu le Prix Goncourt des lycéens) que les membres du Club-lecture de la Bibliothèque municipale de Dinan. Ces derniers ont voté pour leur préféré (Prix du Club-lecture de la Bibliothèque municipale de Dinan 2020) le 17 novembre et couronné Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Toledo.

Vous retrouverez le partage de toutes les critiques sur les ouvrages en lice dans le N° 196 de Lire sur les remparts !, bulletin du Club-lecture.

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