Le port dans le pétrin #9

Un feuilleton policier humoristique, écologique et local, conçu et produit par l’atelier d’écriture de la Bibliothèque municipale animé par Jean-Yves Ruaux avec le concours de Patricia Barthélémy, Valérie Boulanger-Raichman, Anne et Laurent Champs-Massart.

Épisode 9
Galère ou drakkar ?

En rentrant à pied des obsèques de Marilou Raguenel, Mitsuko faisait intérieurement le point sur ces dernières. La gent masculine était fort bien représentée au cimetière, elle avait compté pas moins d’une vingtaine d’hommes disséminés par la cérémonie entre les tombes souvent anciennes.

Crédit photographique : Moore.

Un assassinat aussi machiavélique  !

Leur âge variait de la petite quarantaine à environ soixante-dix ans. Le coupable de l’assassinat de la belle Marilou Raguenel aurait-il pu se trouver là ? Certes oui ! songeait Mitsuko alors que son intuition lui soufflait : « Non, pas un de ses prétendants ne semble capable d’un assassinat aussi machiavélique ! La rouler dans la farine peut-être, lui en faire ingurgiter de force, bof, et puis comment aurait-il fait voler le corps jusqu’à l’ancienne loge ? »

Le cercueil portait un grand triangle équilatéral doré, déposé là, tout à fait officiellement par la Loge féminine qu’avait créée Marilou. Des femmes seules, bien plus nombreuses que les amoureux éconduits assistaient aux obsèques. L’une d’elles aurait pu tuer Marilou par jalousie, ou par envie, car tout semblait réussir à Marilou ! Des hypothèses, des hypothèses, rien de concret.

Restaient les Massalle. Mais aucun fait, aucun témoignage n’indiquait qu’ils aient tué ou contribué à tuer Marilou Raguenel, rien que l’intuition d’un commissaire épris de bistrot, et ayant une vie amoureuse d’une tristesse apparemment abyssale. De plus, ils avaient spontanément proposé leur aide à la résolution de l’énigme ; imagine t-on des coupables agir ainsi ? Encore que cela pourrait-être suprêmement intelligent ! Mais tous les témoignages plaidaient en leur faveur.

L’enquête sur la mort de la créatrice de la Loge maçonnique féminine de Dinan piétinait lamentablement. Ce 18 juin matin, Mitsuko était dans le bureau de Le Guennec quand leur conversation sur l’affaire fut brutalement interrompue par la sonnerie du téléphone.

Le Guennec enfilait sa veste et envoyait à sa collègue un : « Venez avec moi à l’écluse du Châtelier, ça nous changera de Marilou et des voyageurs ! »

Une immense pelle à pain

Sur place, face au paisible port de plaisance de la Hisse où les vedettes se balançaient en cadence, l’éclusière expliquait : elle avait d’abord cru à un tronc d’arbre ou à une vieille coque, ça s’est déjà vu, vous savez. Sinon qu’est ce qui pourrait bloquer les portes de l’écluse ?

Crédit photographique : Moore.

Lorsque les plongeurs sortirent de la Rance une immense pelle à pain, un silence épais comme une pâte mal levée s’abattit sur l’écluse. Le manche était prodigieusement long et la pelle énorme, comme l’outil d’un géant.

Le flair de flic de Mitsuko lui disait que cette pelle à pain avait un lien direct avec la mort de Marilou.

Le Guennec semblait totalement éberlué et l’éclusière répétait en boucle : « ah ben dame, j’aurais jamais cru qu’une pelle à pain coince mon écluse ».

Simone, allons voir l’archéologue ! 

Le commissaire filait déjà vers la voiture « En voiture, Simone, allons voir l’archéologue! » et durant le trajet Mitsuko ne put rien savoir de plus.

Au service archéologique de la ville, sans un seul archéologue en poste à temps plein, la secrétaire les orienta vers l’animateur du patrimoine de Dinan Ville d’Art et d’Histoire qui coordonnait tous les services patrimoine de la ville. Sans âge (il avait été un des premiers animateurs du patrimoine de France), spécialiste de l’architecture militaire médiévale, il salua ses visiteurs d’un signe de tête,

– Ah Le Guennec, quel vent t’amène, bon ou mauvais ?
– Ça dépend du point de vue ! Ma collègue, Mitsuko Durand et moi avons besoin de tes lumières.
– Mes lumières médiévales pour la police ?
– On a trouvé à l’écluse du Châtelier un objet ressemblant à la pelle à pain de Gargantua.
– Regardez les photos, ajouta Mitsuko.

Antoine Silbert regarda attentivement les clichés du téléphone de Mitsuko : « Très intéressant ! Pelle à pain de Gargantua, mon œil ! Il s’agit de la barre d’un des drakkars du camp viking de Saint Suliac, probablement… ou alors de la barre d’une galère romaine, pourrissant dans les vases de
La Vicomté. »

Que venait faire une galère romaine, à Dinan, dans l’enquête sur la mort d’une franc-maçonne empoisonnée à la farine ?
Mitsuko Durand avait son idée.

Patricia Barthélémy


Pour suivre
Le port dans le pétrin
Épisode 10 – La pelle du 18 juin

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