Le titre fixe immédiatement ce roman dans le genre épistolaire. Mais ceci dit, vais-je lire une correspondance authentique Albert Camus à… ou fictive Usbek et Rica ? – La formulation ne suggère pas ici d’échanges. Mina est-elle une personne ? Est-elle un personnage comme ma chère Kitty ? – Dans ce cas, les lettres seraient un avatar du journal intime.
La première ligne de la première lettre me donne une réponse : « C’est la première fois que j’écris sur toi… » Non pas « que je t’écris » mais « que j’écris sur toi ». Ce n’est donc pas une correspondance mais un journal qui sera quasi quotidien. Mina comme source de souvenirs, d’émotions, de réflexions et d’inspiration. « Aujourd’hui, le tiroir portant ton nom s’est ouvert en grand… » La situation actuelle de Th., c’est ainsi qu’est nommée l’auteure des lettres, est favorable à l’ouverture d’un ou plusieurs tiroirs : Elle est seule dans « une chambre de neuf mètres carrés au septième étage » sous les toits, place Pigalle, là où elle vécut à son arrivée à Paris. C’est un repli volontaire. Laisser pendant un temps de vacances scolaires son mari, son fils et sa maison du 16e : pas de meilleure solution pour cette vietnamienne éduquée sous un régime communiste pour permettre à sa belle-mère hongroise et surtout juive orthodoxe d’éduquer son petit-fils selon les préceptes du judaïsme. C’est vrai que quand on ne parle pas hébreu, qu’on ignore tout des habitudes kasher, qu’on ne sait rien des rituels religieux, qu’on est convaincu que toutes les religions sont « des murs », mieux vaut s’effacer avec douceur et calme. Je reviendrai au thème de cette lettre du 22 octobre 2017, qui semble particulièrement important : pour obtenir la liberté, quel prix est-on prêt à payer ?
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