
Un excellent livre que vous avez peut-être déjà lu. L’auteur annonçait, lors de sa sortie en 2010, qu’il s’agissait de son ultime roman.
Le récit se passe à New-York, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, pendant une épidémie de poliomyélite qui provoque des ravages au sein d’un quartier juif assez cossu. Hommes et femmes tombent dans une folie, l’hubris, cette raison démesurée, qu’ils croient être intelligence. Némésis devra châtier le héros en lui infligeant un surmoi tyrannique. A moins que rien ne soit totalement vrai, à part le hasard et l’absurdité de la condition humaine.
Outre l’écriture brillante, tout y est : la perplexité, la peur, la souffrance, la colère mais aussi l’hystérisation de la situation de crise sanitaire, l’ostracisme et l’individualisme toujours séduisants, le besoin compulsif de désigner des boucs émissaires, la volonté vaine de vouloir expliquer à tout prix l’épidémie, les comportements héroïques et antihéroïques en temps de crise, la désinformation qui détruit le tissu social lorsque les membres d’une communauté échafaudent des pseudo théories scientifiques pour endiguer l’épidémie, etc. Cette lecture est vraiment de nature à nourrir une réflexion sur les circonstances actuelles.
« Il n’avait pas prévu d’aller au cimetière. Après la synagogue, il avait le projet de rentrer aider sa grand-mère à finir les tâches domestiques du week-end. Mais il pénétra dans la voiture dont on lui tenait la portière ouverte et s’assit sur le siège arrière à côté d’une femme qui portait une voilette noire et s’éventait en agitant un mouchoir devant son visage poudré et strié de sueur. Assis à la place du chauffeur, il y avait un petit homme trapu en complet noir qui avait le nez cassé comme celui du grand-père de Mr Cantor, et peut-être pour la même raison : les anti-sémites.”
Franck M. et Francis C. (SAMB).
Némésis, Philip Roth, Gallimard, 2012, 225 p.
Crédit photo : Electre.